[fibercamp] Fibre optique partout : « Arrêtons de céder au lobby des élus ruraux »

bikepunk keupont at no-log.org
Mer 20 Fév 20:50:25 CET 2013


http://www.rue89.com/2013/02/20/fibre-optique-partout-arretons-de-ceder-au-lobby-des-elus-ruraux-239847

:facepalm:
je ne connaissais pas ce Philippe Estèbe, mais j'ai comme l'impression 
qu'on ne va pas être copains...
Et dire qu'il enseigne à Sciences Po Paris...

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Pour le géographe Philippe Estèbe, le plan numérique de Hollande obéit 
au « drôle d’idéal » d’une France uniforme. En plus d’être « une folie 
économique ».

Couvrir tout le territoire en très haut débit en dix ans : tel est 
l’objectif affiché par François Hollande ce mercredi à Clermont-Ferrand 
(Puy-de-Dôme), venu dévoiler son « ambition numérique ».

L’opération coûtera 20 milliards d’euros – une facture à partager entre 
l’Etat, les collectivités territoriales et les opérateurs privés.

Est-ce un choix pertinent ? Le géographe Philippe Estèbe en doute. Pour 
lui, les pouvoirs publics ont encore cédé « au lobby des élus ruraux, 
pour qui l’espace compte plus que les gens ». Entretien.

Rue89 : « Couvrir tout le territoire », est-ce un objectif intelligent ?

Philippe Estèbe : La question est de savoir si le très haut débit est 
désormais comme l’eau ou l’électricité : un élément indispensable au 
fait de bien vivre dans les territoires. On nous explique que c’est 
nécessaire pour la télémédecine, et qu’il est indispensable de compenser 
la faible diversité de services sur place par l’accessibilité de 
services à distance. Pour le suivi médical à distance, je ne suis pas 
certain que la question du très haut débit soit décisive. On peut faire 
beaucoup de choses avec l’ADSL.

En plus, cette affaire coûte très cher. C’est une folie économique. Je 
vis dans un village de 200 habitants et ici, tout le monde se fiche du 
très haut débit.

Le gouvernement agit au nom de « l’égalité des territoires »...

Il y a aujourd’hui une folie autour de cette idée d’égalité des 
territoires – on entend égalité d’équipement des territoires – alors 
qu’en réalité on assiste à des transferts financiers massifs de l’urbain 
vers le rural. Le niveau de dépenses de fonctionnement par habitant est 
bien supérieur dans les communes rurales. En Lozère, vous avez un prof 
pour dix élèves. En Seine-Saint-Denis, un pour trente. Vous avez une 
surreprésentation de services publics dans les « déserts ». Je ne suis 
pas certain que cette « égalité des territoires » soit totalement 
souhaitable ou stratégique.

Pourquoi ?

L’uniformisation des territoires est un drôle d’idéal. Il me semble 
qu’on peut accepter d’avoir plusieurs modèles de développement dans un 
pays comme la France : des territoires qui vivent à des vitesses 
différentes, des lieux qui fonctionnent sur des logiques de niche...

Pour moi, cette histoire de fibre optique est d’un archaïsme total. Elle 
est liée à l’incroyable présence des élus ruraux dans le débat politique 
français. L’égalité des territoires, c’est d’abord la voix du monde 
rural qui s’exprime sur un mode victimaire. Il va peut-être falloir 
arrêter un jour de céder au lobby des élus ruraux, pour qui l’espace 
compte plus que les gens.

Que faites-vous de la dimension symbolique de certains services publics 
? Quand un bureau de poste ferme, le village concerné y voit un signe de 
sa disparition...

Sur La Poste, d’abord, une mise au point : la loi fixe le nombre de 
points de contact à 17 000, il n’y a plus de nouveaux bureaux qui ferment.

Ensuite, si les bureaux de poste, les maternités, les gares, les écoles 
ferment, ce n’est pas parce que c’est un complot de l’Etat contre les 
territoires ruraux ; c’est essentiellement parce que les pratiques des 
populations ont changé.

Aujourd’hui, les gens vivant à la campagne ont accès, grâce à la 
mobilité, aux services de la ville moyenne du coin. On peut le regretter 
et rester attaché à la vision idyllique du village compact organisé 
autour de la mairie et de l’église. Mais la vision isolationniste de 
cette polyvalence de proximité n’est pas juste par rapport à la réalité 
de la vie des habitants de ces territoires. Les communes ne sont pas de 
petits Etats entourés de frontières infranchissables.

Chaque fois qu’une gare ferme, c’est l’hystérie, c’est la République 
qu’on abandonne. Mais on peut aussi se soigner, on n’est pas obligés de 
vivre dans un mythe permanent. Si on passe de l’échelle du village à 
l’échelle du canton, on trouve quand même un maximum de services : un 
bureau de poste, un collège, des médecins...

L’égalité des chances restant un objectif politique, le désir de voir un 
maximum de services dans chaque commune n’est-il pas légitime ?

Ne m’en parlez pas. Tous les élus disent « il faut garder les jeunes ». 
C’est ça, l’égalité des chances ? Mais c’est la pire des choses ! Au 
contraire, aidez-les à partir. Quitte à ce qu’ils reviennent plus 
tard... C’est comme ces facs qui ouvrent des antennes en milieu rural : 
ça ne fait pas des facs, ça fait des espèces de lycées où les élèves 
marinent dans leur jus, ce ne sont pas des lieux d’émancipation.

Les élus ont une vision patrimoniale de leur territoire, et c’est au nom 
de ça qu’ils passent leur temps à piailler chez le sous-préfet, chez le 
député et au sein de l’Association des maires de France. Ils font preuve 
d’un égoïsme absolu.

Ils ne sont pas les seuls coupables : toute notre structure 
institutionnelle est organisée de telle sorte que chacun passe son temps 
à réclamer des fromages. Les conseils généraux font des contrats avec 
les communes, les intercommunalités, les pays... Les relations entre 
collectivités tournent essentiellement autour des flux de subventions.

Cette logique de dépendance aux crédits est stérilisante, ça ne favorise 
pas les initiatives locales. A tel point que dans certains territoires, 
la moitié des fonds européens ne sont pas utilisés parce que les mêmes 
élus qui piaillent à longueur de temps n’ont pas la capacité de susciter 
des projets d’ampleur suffisante. Une fois que vous avez trois salles 
polyvalentes, deux centres d’interprétation du patrimoine, c’est sûr 
qu’il faut se montrer un peu créatif.

Il faut en finir avec cette discrimination territoriale à l’envers.

C’est-à-dire ?

Notre discrimination territoriale fonctionne à l’envers. La Cour des 
comptes a montré que l’investissement par tête dans les quartiers 
d’habitat social est inférieur à ce qu’il est dans les communes rurales.

Pour sa « politique de la Ville », le gouvernement a décidé de se 
concentrer sur un millier de quartiers « vraiment prioritaires » pour en 
finir avec le saupoudrage. Bonne idée ou pas ?

La politique de la Ville est un accordéon. Sur trente ans, on observe un 
processus d’expansion du nombre de quartiers suivis, de temps en temps, 
par de vigoureuses déclarations gouvernementales annonçant un 
resserrement sur les quartiers prioritaires. Je vous fiche mon billet 
que ce zonage va être révisé en cours de route, sous la pression des 
maires qui vont faire valoir que leur tissu associatif va s’effondrer, 
que tel quartier doit être intégré quand même à la liste officielle...

En réalité, un quartier qui va mal, on ne sait pas ce que c’est. On 
regarde l’évolution des écarts de revenus, du taux de chômage, on 
observe que ça ne s’arrange pas et on décrète que c’est un quartier qui 
va mal. Mais on oublie qu’entretemps, la population a changé.

Ce qui devrait nous intéresser, c’est le sort des gens : s’ils sont 
sortis de ce quartier pour aller quelque part où ils vivent mieux, 
peut-être la politique de la ville ne fonctionne-t-elle pas si mal...

On a un mal fou à accepter l’idée que certains quartiers sont 
spécialisés dans l’accueil d’immigrés et de prolétaires. Pourtant, ça 
n’a aucune espèce d’importance. Ce qui compte n’est pas de régler la 
situation de ces quartiers mais de s’assurer qu’ils fonctionnent non pas 
comme des nasses mais comme des sas.
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