[Tetaneutral] L'avis d'un avocat sur les monnaies sociales et le droit français
Carlos Oliva
apocarlos2124 at gmail.com
Mon Mar 24 16:30:47 CET 2014
Bonjour à touTEs,
FYI
J'ai recemment eu un échange avec deux experts dont un avocat sur la
question des monnaies sociales. En effet il existe une diversité de
dispositifs et les contraintes juridiques applicables varient selon le
montage choisi concrètement.
Nous avons arrête le cas de figure de la coopérative intégrale
toulousaine dans les options qu'elle explore au jour d'aujourd'hui. à
savoir un système de type Barter, le système monnaie électronique
descrentralisé et encrypté (bitcoin) et une monnaie éléctronique.
Le système Barter ou de compensation multilatérale semble largement
envisageable pour être lancé depuis une association de loi 1901 membre
de la CIT à condition que les compensations se fassent à l'intérieur
d'un réseau limité de personnes.
Bonne lecture et bien à vous
Carlos
Bonjour Carlos,
je fais suite à notre conversation téléphonique de la semaine dernière
avec Marie Fare, lors de laquelle vous nous avez exposé votre projet de
création d'une plateforme d'échange multilatéral.
Je vous reviens avec quelques éléments de réponse à vos questions et
quelques explications sur ma méthode de travail.
Je comprends que le projet de plateforme reposerait sur le principe des
"community exchange system" avec utilisation d'une unité de compte
réseau 'l'Eco" à parité avec l'euro, créée dans l'échange et non
convertible en euros. Les participants seraient des particuliers et/ou
entreprises adhérents à la coopérative d'échange sur la base de critères
géographiques (localisation dans la région de Toulouse). Les soldes en
Eco des participants pourraient être débiteurs ou créditeurs dans
certaines limites convenues. La plateforme organiserait par ailleurs une
plateforme de paiement en bitcoins et des paiements en monnaie
électronique (monnaie chargée en euros). Il est envisagé que la monnaie
électronique soit chargée au travers de la souscription des parts de la
coopérative, qui serait à capital variable permettant une souplesse des
entrées et sorties des sociétaires.
Le projet comportent trois activités qui doivent être distinguées pour
l'analyse juridique :
1. la mise en place d'une plateforme de compensation multilatérale
type "barter ;
2. une plateforme de paiement en bitcoin ;
3. une plateforme de paiement en monnaie électronique.
*1. la plateforme de compensation multilatérale*
Les plateformes de barter BtoB qui opèrent en France ne sont pas en
général soumise au statut bancaire, il est vrai que leurs modalités de
fonctionnement diffèrent sensiblement d'une plateforme à l'autre (simple
courtage dans certains cas) mais aucune analyse juridique de fonds n'a
été faite à ma connaissance de l'activité de ces acteurs.
Sous réserve d'avoir plus d'information sur votre projet et d'analyses
plus approfondies, il me semble qu'un certain nombre de caractéristiques
du projet ne le feraient pas entrer dans le champ du droit bancaire.
Dans la mesure où l'Eco est totalement inconvertible en euros, il ne
constituerait pas un moyen de paiement au sens de la loi bancaire, c'est
à dire un instrument permettant de transférer des fonds (article L.311-3
du Code monétaire et financier "CMF").
Par ailleurs, les soldes débiteurs, dans la mesure où, ils ne seraient
pas rémunérés, échapperaient à la qualification de crédit (et ce
d'autant que les Eco ne seraient pas des "fonds").
L'Eco étant créé dans l'échange et non chargé, il n'y aurait pas à ce
titre de réception de fonds du public.
En conséquence, de prime abord, la plateforme d'échange, si elle possède
les caractéristiques susvisées, n'entrerait pas dans le champ du monople
bancaire.
Signalons que pour une doctrine récente, le mécanisme de la compensation
multilatérale est un mécanisme juridique sui généris n'impliquant pas
l'interposition de la plateforme, celle-ci rendant un simple service
administratif de tenue de compte, non bancaire (Thèse de Myriam
Roussille, 2006 Dalloz "la compensation multilatérale").
*2. une plateforme de paiement en bitcoin*
Dans une prise de position récente, la Banque de France, a estimé que
l'activité de conversion de bitcoin en monnaie officielle "/doit
s’analyser – dans la mesure où il y a réception, virement et tenue de
comptes de fonds concernant une monnaie ayant cours légal – comme un
service de paiement nécessitant un agrément de prestataire de service de
paiement/".
ci-après le lien vers le communiqué de la Banque de France.
http://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/publications/Focus-10-stabilite-financiere.pdf
Cela signifie que si la plateforme se limite à recevoir des bitcoins
sans conversion en euros ni tenue de compte et virement en euros, elle
échapperait au statut de prestataire de services de paiement.
*3. émission et gestion de monnaie électronique :*
L'émission et la gestion de monnaie électronique nécessite un agrément
délivré par l'Autorité de Contrôle Prudentiel (article L.526-7 du CMF).
Les contraintes qui pèsent sur les établissements de monnaies
électroniques sont fortes : capital minimum de 350.000 euros (100.000
euros pour les établissements dont la monnaie en circulation ne dépasse
pas 5.000.000 euros), ratios prudentiels, conditions de compétence, de
gouvernance, etc...
Par exception, une entreprise peut-être dispensée d'agrément par l'ACP
pour "/mettre et gérer de la monnaie électronique en vue de
l'acquisition de biens ou de services, uniquement dans les locaux de
cette entreprise ou, dans le cadre d'un accord commercial avec elle,
_dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement ou
pour un éventail limité de biens ou de services_, à la condition que la
capacité maximale de chargement du support électronique mis à la
disposition des détenteurs de monnaie électronique à des fins de
paiement n'excède pas un montant fixé par décret [à savoir 250 euros] .
Pour la partie de son activité qui répond aux conditions mentionnées au
présent alinéa, l'entreprise n'est pas soumise aux règles applicables
aux émetteurs de monnaie électronique/" article L525-5 du CMF
Pour bénéficier de cette exemption, le demandeur doit déposer un dossier
de demande d'exemption auprès de l'ACP (cf lien ci-dessous). Notez que
l'ACP exige que les fonds collectés en contrepartie des unités de
monnaie électronique soient déposés sur un compte bancaire dédié
indisponible.
http://acpr.banque-france.fr/agrements-et-autorisations/procedures-secteur-banque/tous-les-formulaires.html
La réponse à votre question sur le chargement des unités de monnaie
électronique via la souscription aux parts de la société coopérative
dépasse le cadre de cette note.
*4. ma méthode travail*
je suis avocat au Barreau de Paris. Ancien associé en charge de
l'activité financement d'un cabinet international, Bird & Bird, je
ai quitté ce cabinet en 2012 pour devenir indépendant, je suis par
ailleurs consultant d'un grand cabinet parisien (Veil Jourde). Mon taux
horaire varie en principe de 250 à 370 euros HT, mais compte tenu de mon
engagement pour les monnaies locales et de l'intérêt que je porte à
votre projet, je suis disposé à le limiter à 150 euros HT. Il est aussi
possible de convenir d'un forfait en cadrant avec vous le champ de mon
intervention.
J'espère que le présent mail répond, au moins partiellement à vos
interrogations et reste à votre disposition pour en discuter.
Bien cordialement,
Hervé Pillard
Avocat à la Cour
38, rue de Lisbonne
75008 Paris
Tel : + 33 (0)1 56 69 56 29 (ligne directe)
Cell : + 33 (0)6 08 52 16 72
Fax : + 33 (0)1 53 53 94 94
email : hpillard at hpavocats.com <mailto:hpillard at hpavocats.com>
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